Lasius flavus
(Fabricius, 1781)
Ouvrières
L. 1,7-4 mm (plus de 2 mm chez la plupart des races). Taille relativement variable dans le même nid, les gros individus ayant la tète plus carrée, d'un jaune plus sombre ou plus orangé que leurs compagnons de moins de 3 mm. Écaille pétiolaire à bord supérieur rectiligne ou un peu concave, jamais aussi echancré que chezbicornis. Couleur jaune d'or, tête parfois brunâtre chez les grandes ouvrières. Dans les variétés presque aveugles et de petite taille (var. myops Forel, d'Europe et d'Afrique du Nord, var. morbosa Bondr. de Normandie), tous les individus sont jaune très pâle, presque blancs, et les grosses ^ à tête plus large ont disparu : les plus grandes ne dépassent guère 2,6 mm.
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Reine
L. 7-9 mm. Corps brun moyen ou brun foncé, partie antérieure de la tête et appendices jaune brunâtre, ailes un peu enfumées vers la base. Écaille faiblement échancrée en haut. Tibias sans poils dressés.
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Mâle
L. 3-4,1 mm. Noirâtre, appendices bruns, ailes très faiblement rembrunies dans leur moitié basale. Mandibules généralement noires avec le bord brun clair ; ces mandibules sont très variables dans le même nid, les grands individus pouvant avoir 3 ou 4 dents, les petits une seule dent ou pas du tout. La plaque sous-génitale est bien distincte du L. umbratus par son bord antérieur en pointe unique (tronquée ou bifide chez umbratus) et son bord postérieur presque rectiligne. Les sagitta ont en moyenne 12 à 14 dents, au lieu de 9 à 18 chez umbratus.
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L. ftavus est très commun dans toute la région holarctique, surtout en pays humides et dans les prairies. Toute l'Europe, jusqu'à 2 200 m en montagne : comme pour Tetramorium, son peuplement s'arrête brusquement vers 2 200 m et il est encore très abondant juste au-dessous. En région méditerranéenne, commun en montagne, mais rare au-dessous de 400 m, où il est remplacé par umbratus. On le trouve toutefois au niveau de la mer dans des prairies bien arrosées. Importé en Afrique du Nord, où il est devenu banal en montagne au-dessus de 1 500 m, et présente sensiblement les mêmes variétés qu'en France, ce qui contribue à prouver que ces variétés sont des simples somations sans valeur génétique ou géographique. Rare dans les jardins (où umbratus est la principale Fourmi souterraine).
Biologie
La réduction des yeux est à peine ébauchée chez ftavus, moins accentuée que chez d'autres Lasius souterrains et surtout bien moins forte que pour nos ouvrières de Solenopsis. L'œil a encore de 26 à 95 facettes, conserve son pigment noir. Les ommatidies (F. Bernard, 1937, pi. II, fig. 8) sont de structure normale, et à peine plus courtes que celles de L. fuliginosus. Forel considérait la var. myops comme presque aveugle parce qu'elle a seulement 26 à 29 facettes, or Emery (1915), puis Van Boven (1951) ont constaté qu'il s'agit d'une simple relation allométrique entre la taille de l'£ et celle de ses yeux : étant plus petites (2,5 mm au lieu de 3-4), les ouvrières myops ont forcément moins de facettes. L'ommatidie a une structure bien plus embryonnaire chez les Solenopsis.
Quoi qu'il en soit, la vie souterraine est de règle chez cette Fourmi. Typiquement, mais, au fond, dans 1/4 des sociétés réelles, elle construit des dômes assez élevés dans les prairies et ne sort pas de ces monticules, qui ne présentent aucun orifice externe. A la surface de ces dômes, les Graminées banales de la prairie disparaissent, mais le Serpolet (Thymus ser-pillum) abonde. La face de chaque dôme tournée vers l'Est est toujours plus raide que la face Ouest. Cela tient, d'après Linder (1908), à ce que les Fourmis habitent surtout la partie Est du nid, plus ensoleillée le matin, et la surélèvent plus vite que l'autre face. Forel et Wheeler signalent que les dômes augmentent de largeur et de hauteur avec l'altitude. C'est vrai en altitudes moyennes (500 à 1 900 m), mais en plus haute montagne (1 900 à 2 200 m), ou sous le climat méditerranéen, L. ftavus habite surtout sous les pierres et ne fait plus de dômes. C'est aussi le cas général en tous lieux pour les variétés décolorées comme myops, ou bien sur les terrains caillouteux, pauvres en humus et défavorables à la construction de monticules. En Allemagne occidentale, Gôsswald (1932) a dénombré 835 colonies sous les pierres (généralement en terrains plutôt arides), 300 dans des monticules terreux et 30 dans le bois vermoulu.
L. flavus préfère les terrains frais et humides, découverts, granitiques surtout, de pente faible, et supporte les faciès marécageux mieux que la plupart des autres Fourmis (Myrmica laevinodis mise à part). Ses nids abondent aux environs de Paris dans des marécages à Caltha palustris (Renon-culacée) où il serait difficile de trouver d'autres Formicides. Les facteurs de semblable résistance demeurent à préciser. Mais l'espèce est parfois dominante sur calcaire si les pluies annuelles suffisent à la végétation. C'est le cas vers 1 100 m sur les plateaux dénudés du milieu de la forêt de Lente (Drôme, F. Bernard). Là, les dômes de L. flavus sont si serrés qu'ils ne laissent place entre eux que pour de rares nids de Tapinoma ou de Tetra-morium.
Fondation très indépendante. Essaimage surtout en août, si dense qu'il peut obscurcir le ciel dans les emplacements de la forêt de Lente déjà cités. On peut dire que sans L. flavus la biologie des prairies tempérées de l'hémisphère Nord serait toute différente.
Bibliographie
LES FOURMIS D'EUROPE - FRANCIS BERNARD